Quelle est la place de la médecine générale de demain en dehors des heures normales de pratique ?

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Quelle est la place de la médecine générale de demain en dehors des heures normales de pratique ?

[Ce texte a été envoyé au groupe de réflexion sur le New Deal en décembre 2022.]

Le New Deal ouvre une nouvelle voie de la médecine générale sous forme d’une pratique multidisciplinaire, notamment. Il interroge le sens de nos actes de médecins généralistes, recherche les possibilités de mieux faire, différemment. S’il aborde le travail du médecin généraliste pendant « les heures normales de pratique », il se doit aussi d’aborder le dinosaure qu’est la garde. Comme pour les autres thématiques abordées, les positions de la profession sur la garde ne sont pas univoques. Mais la tendance est claire, les signaux des jeunes et de plus en plus de médecins généralistes expérimentés sont limpides : la garde ne peut plus être un exercice où la profession doit répondre à n’importe quelle demande de la population à n’importe quel moment

L’existence même d’une garde de médecine générale est parfois remise en question, arguments à l’appui. Si une garde devait subsister demain et offrir une permanence d’accès aux soins, elle doit pouvoir choisir et affirmer sa place. Cela à côté des services d’urgences qui offrent d’une part une réponse aux urgences vitales et d’autre part une permanence qu’il n’est pas toujours pertinent de doubler à tout moment et en tout lieu par un médecin généraliste. 

La question de l’existence de la garde n’étant pas dichotomique, une réponse nuancée pourrait être trouvée à conditions de satisfaire à certaines conditions :

1. Avoir une garde pertinente

  • Il faut répondre aux besoins et pas aux demandes de la population. Ceux-ci doivent être déterminés par la profession, en collaboration avec les urgentistes, et apparaître dans les MBRM (Manuel Belge de Régulation Médicale).
  • Reconnaître que la pertinence n’est pas la même en nuit profonde et adopter un tri très sélectif en nuit profonde, ne laissant passer que les visites indispensables pour des soins palliatifs, des patients en MRS, et compte tenu le fait que la loi nous l’impose, les constats de décès (non attendus). 
  • Toujours en nuit profonde, pour les appels où la MG n’apporte pas de réelle plus-value, accepter que le patient soit pris en charge par le médecin qui assure de toute façon la permanence : l’urgentiste et son service. Ne pas se formaliser pour ces quelques centaines de patients par an qui sont vus par un urgentiste alors qu’ils auraient pu être vus par un médecin généraliste car ils sont de dizaines (centaines) de milliers pendant la journée, depuis toujours et faire de vague.

La garde peut être l’occasion de remettre certains patients qui n’ont pas de médecin généraliste dans le giron de la première ligne de soins, particulièrement à Bruxelles. Les problèmes aigus qui sont traités en garde ne s’inscrivent dans la continuité des soins du patient que lors de la reprise du médecin traitant lors du jour ouvrable suivant.

Par contre, le rôle de la garde n’est pas de pallier la pénurie de MG durant les heures normales de pratique et le médecin ne doit plus profiter d’une garde pour se faire connaître.

2. Prévoir un tri efficace

Un service de tri 1733, efficace et généralisé sur tout le territoire, permettrait à tous les patients d’être triés avant de pouvoir se présenter à un service d’urgence ou de se présenter en PMG. Implémentation du tri indispensable ! Un tri des appels à la garde (soins non programmables mais pas urgents, hormis des exceptions de type palliatif) doit pouvoir se faire pour tous les appels selon deux niveaux :

  • Exclure une urgences vitale  => AMU (Aide Médicale Urgente)
  • Déterminer s’il existe une exception à une consultation en PMG et donc accorder une visite à domicile.

3. Assurer la mise en pratique

Les gardes (week-end, semaines, nuits) doivent se faire en PMG, avec chauffeur pour les déplacements (du médecin ou du patient). Ces PMG doivent être correctement financés, dans une saine collaboration entre les Cercles de MG et les pouvoirs publics (Inami et SPF Santé Publique). Il est triste de constater qu’en 2022 cette évidence relève d’un véritable défi.

4. Garantir l’aspect supportable

En termes de récurrence et de pénibilité. Équitable : lisser les inégalités.

5. Repenser les honoraires équitablement

Dans l’exercice de ce service au public qu’est la garde, force est de constater que le médecin n’est plus un indépendant : obligations de participation, de récurrence, de certificat pour obtenir une dispense, de lieu d’exercice, de modalités organisationnelles, de répondre aux appels renvoyés par le 1733, de trajets, de tarifs, de modalités de perception, … Il est donc nécessaire qu’il soit honoré de manière juste. C’est-à-dire que son honoraire soit de 150 à 200% de l’honoraire de journée, qu’il permette au médecin de récupérer le lendemain sans manque à gagner et avec un gain en rapport avec la pénibilité du travail. La formule est à trouver, probablement en grande partie forfaitaire, avec une part d’acte. Sachant que le volume est donné par le 1733 et les caractéristiques de la zone qui sont des facteurs indépendants du médecin généraliste. Il faut trouver un principe de financement qui corrige les inégalités.

Le poids de la garde n’est pas négligeable et peut avoir des répercussions sur l’organisation en journée de la médecine générale. Par exemple, lorsque la récurrence est trop importante. Le jeu n’en vaut pas forcément la chandelle quand on sait que la plus-value du médecin généraliste se situe d’abord et avant tout dans le suivi global de sa patientèle plutôt que dans la prise en charge à un instant T de patients inconnus. La médecine générale n’a pas besoin de la garde pour exister. Les médecins généralistes sont prêts à assumer une certaine charge de la garde, mais pas à n’importe quel prix.

Bref, il est nécessaire que le New Deal aborde la garde ou continuité voire permanence des soins en dehors des heures normales de pratique. Car si les contacts en garde ne représentent qu’une infime portion des contacts annuels d’un médecin généraliste avec des patients, ils revêtent une pénibilité et un symbolisme importants. De plus, ils influencent de manière péjorative la répartition des médecins généralistes sur un territoire.